L’abbé Gilbert prêtre réfractaire

mardi 16 mars 2010
par jeanpaul
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L’abbé Pierre GILBERT, martyr de la Révolution

Guillotine à Metz le 2février 1794

Le récit que nous commençons de la carrière trop courte et de la glorieuse mort de l’Abbé‚ Pierre GILBERT est l’œuvre pieuse de l’un de ses neveux, Mr l’abbé‚ BOYE, curé‚ de Boulaincourt. En nous le communiquant, le véritable auteur nous fait observer qu’il l’a écrit pour la famille du martyr et non pour le public et nous prie de retrancher beaucoup de détails qui ne lui paraissaient pas mériter l’impression :nous ne ferons pas ce tort à nos lecteurs.

La « Semaine Religieuse »(année 1878,page 34) disait :Les actes de ces généreux martyrs n’ont jamais été assez connus ou ils ont été trop tôt oubliés.

Le récit qui va suivre contient une regrettable nouvelle preuve de cet oubli.

Il s’y agit de la vie et de la mort d’un prêtre du diocèse de St DIE immolé‚ par la révolution dans la force de l’âge, inconnu même du clergé diocésain depuis que ses contemporains ne sont plus et bien digne d’un éternel souvenir (1).

Pour répondre à l’appel de Mr le Directeur de la Semaine Religieuse et rendre hommage à une mémoire si chère, voici quelque notes intimes recueillies sur la vie et la mort de Pierre GILBERT, de DOMJULIEN, professeur de philosophie au séminaire de Toul, guillotiné à METZ comme prêtre insermenté et émigré rentré en Février 1794.

Pierre GILBERT naquit à DOMJULIEN le 14 Février 1765.Ainé de huit enfants, il fût voué par sa mère (tout lieu de supposer née MOINOT de ROZEROTTE ) au service des autres. Aussi cette mère chrétienne éprouva t’elle une grande joie quand la douce et tendre piété de l’enfant, son goût prononcé pour les choses saintes dès le bas âge et son intelligence précoce peuvent la confirmer dans la pensée que DIEU avait agréé son vœux. Le père, Jean Baptiste GILBERT, cultivateur aisé eut préféré faire de son fils aîné le compagnon de ses travaux agricoles et le bras droit de la famille. Mais en ces temps là on voyait presque toujours la volonté des parents s’incliner devant la volonté divine quand il s’agissait de la vocation des enfants.

Le pasteur était presque toujours admis, en qualité d’ami et de conseiller dans les délibérations importantes de ses paroissiens.

Homme de foi, le père sacrifia ses vues personnelles et il fut décidé que le petit Pierre ferait ses études.

On le mit au collège de Bulgnéville tenu par les Récollets. Ce collège avait de la renommée .Il en est sorti des hommes célèbres à des titres différents : Poullain de Grandprey (né à Lignéville et homme politique), Monseigneur Chamond évêque de St Claude. Celui-ci fut d’abord le condisciple de Pierre Gilbert puis son collègue dans le professorat à Toul et le compagnon d’exil à Trèves, et toujours son ami.

Les études de Pierre Gilbert furent aussi rapides que brillantes. A 16 ans, il avait terminé son cours de philosophie et il se présentait au séminaire de Nancy (1) où il fut reçu après un examen qui fit l’admiration de ses examinateurs comme ceux-ci en témoignaient encore longtemps après.

Il eut pour maître de Théologie Mr Mézin et Mr Jacquemin. Ce dernier, devenant évêque de St Dié en 1824 disait : « Si notre cher abbé Pierre Gilbert était encore en vie, ma place ne serait pas ici » .

Tout en suivant son cours de théologie ,le jeune lévite faisait une éducation particulière dans la famille des Béamenil(2) et l’une et l’autre avec un égal succès. Son cours terminé il alla se présenter à Toul pour recevoir les Saints Ordres. Ses contemporains, entre autre cet excellent abbé Ruffier dont la semaine religieuse a racontée l’intrusion à Viviers et la touchante rétractation, rapportait que ses examinateurs lui ayant demandé quels traités il avait préparée il leur avait répondu :<>, cela leur parut assez présomptueux et ils ne ménagère rien pour le mettre à bout. Le résultat fut sa nomination immédiate à la chaire de philosophie dans le séminaire de Toul. (3)

Au témoignage de ses collègues et de ses élèves, l’abbé Gilbert était une intelligence d’élite. Il passait pour le prêtre le plus éminent du diocèse sous ce rapport. C’était en particulier le sentiment de Mgr Chamont qui professait la physique au séminaire de Toul en même temps que l’abbé Gilbert la philosophie ;de Mgr Michel ancien Supérieur du séminaire de Nancy et de Mgr Mougeot ancien vicaire général de StDié, un de ses condisciples de prédilection, qui n’en parlait qu’avec attendrissement et les larmes aux yeux jusqu’…la fin de sa vie.

(1)Etant du diocèse de Toul, il aurait dû naturellement y faire son séminaire. Il fut probablement attiré à Nancy par 2 grands oncles dont l’un y était avocat et l’autre médecin à la cour de Lorraine.

(2)On a lieu de croire que cela se fit par l’entremise de la famille De Ravinel , qui était alors seigneurs de Domjulien. Bien qu’ils aient quitté le village depuis longtemps, ils étaient toujours bienfaisants pour leur ancienne seigneurie

(3) Pendant son professorat, il compasa un cours de philosophie dont le manuscrit a été déposé à la bibliothèque de l’académie de Nancy.

Chez lui,les dons du cœur allaient de pair avec ceux de l’intelligence. Au séminaire de Toul, on ne l’appelait que « l’aimable ,le doux abbé Gilbert », comme l’attestaient encore après plus d’un demi siècle ses anciens élèves.

Ceux-là mêmes qui n’eurent pas le courage de l’inviter aux jours de l’épreuve, ne parlaient pas de lui avec moins d’émotion et d’enthousiasme .Le doux Gilbert ? c’est le titre qu’ils avaient gardé dans la mémoire du cœur, après l’avoir consigné dans une ode qu’ils lui avaient adressée à l’occasion de sa consécration sacerdotale : nom heureux pour un ministre de Celui qui a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. »

Il resta professeur de philosophie jusque la fermeture du séminaire en 1791.Sur la fin de cette année,dans le mois de Novembre,alors que le schisme triomphant était partout installé, MrJoseph Michel Nicolas sublet d’Héricourt-Lenoncourt, chanoine de Toul, fit la vaine tentative de le nommer à la cure de Gondreville près de Toul,pour maintenir son droit de présentation. .A cette fin il fit dresser par le notaire un acte ainsi conçu : « la cure se trouvant vacante par la mort de Mr Joseph Guerre comme le droit de présentation en appartient au comparant,suivant l’ordre de la table capitulaire et, que dans les circonstances présentes, il ne peut remplir les formalités usités en pareil cas, que d’ailleurs il lui importe de se maintenir dans son droit de présentation et de nomination et voulant en user et se l’assurer, il nous a requis acte de sa comparution et de la nomination qu’il fait par ses présentes de : Mr Pierre Gilbert prêtre du diocèse de Toul.. »

Cette nomination ne pouvait avoir aucun effet,l’abbé Gilbert ne prit pas possession de sa cure occupée et gardée par un schismatique et qu’il se trouva, errant dans sa propre patrie comme tant d’autre que le schisme avait expulsé de leurs postes et de leur domicile. Cette situation se prolongea pré‚s d’une année. Il séjournait tantôt a Toul,tantôt à Domjulien et plus habituellement à Sion-Vaudémont

.C’est de là qu’il lança sous le nom ‘’d’un solitaire des environs de Sion" et sous la forme de lettres adressées à l’évèque intrus de Toul et à l’abbé Nicolas le curé intrus de Tantonville(1) et à ses nombreux complices dans le schisme,une série de brochures excellentes,qui ont été réunies en un volume avec d’autres écrits analogues par Mgr de la Fare évèque de Nancy et quelques prêtre zélés du même diocèse.

Avec une certaine bonne foi ,fruit empoisonné du Gallicanisme,beaucoup de prêtres avaient fait le serment criminel. L’abbé Gilbert travailla d’une manière infatigable à les ramener au sein de l’Eglise catholique,non seulement par ses écrits,mais surtout par des relations intimes et des entretiens particuliers dont il cherchait sans cesse l’occasion et où sa parole savante et persuasive avait une puissance extraordinaire. Il semblait avoir reçu de Dieu le don spécial de convertir ses confrères égarés dans le schisme. De ce nombre se trouvait la plupart des prêtres du canton de Vézelise et parmi eux un de ses oncles, l’abbé Félix, curé de Parey St Césaire. Il eut la douleur d’apprendre qu’un autre de ses oncles,le propre frère du premier curé de Suriauville ,s’était de même laissé surprendre et entraîner ; son zéle et sa science le servirent si bien qu’il les ramena l’un et l’autre à se rétracter, ainsi qu’une partie des jureurs des environs de Sion-Vaudémont. Mais ses deux plus belles conquêtes en ce genre furent sûrement celle de l’abbé Ruffier et celle de l’abbé Maximilien Hadol, curé de Gemmelaincourt qui eut le bonheur d’expier sa faute par le martyre.

L’abbé Gilbert se détermina à quitter la France en septembre 1792 avec l’abbé Vauthier de Remicourt ,son compatriote,l’abbé Chamont, son ami et encore d’autres professeurs du séminaire de Toul. Tous ses prêtres fidèles avaient pris leurs arrêtés de déportation pour Bastogne dans le Luxemboug, que l’arrêt du tribunal de Metz appelle « Pays d’Empire ».

Mais bientot, l’exil parut insupportable à l’abbé Gilbert, son cœur saignait surtout à la pensée de tant d’âmes privées des secours de la religion. Il se résolut à rentrer. Ce fut à Trèves qu’il dit adieu à ses compagnons d’exil : « En vain nous nous jetâmes à ses genoux,écrit Mgr Chamont, devenu Evêque de St Claude,à un neveu du martyr,en vain nous le conjurâmes, les larmes aux yeux,de ne pas courir à une mort certaine,son zèle l’emporta, nos embrassements ne purent le retenir. » Lui-même,ne se faisait guère d’illusions non plus,sur le sort qui l’attendait puisqu’il laissa à ses chers compagnons tout ce avait apporté de France. L’abbé Chamont eut sa montre et ses boucles de soulier. Il les garda toujours comme des reliques doublement précieuses. Il les montrait encore dans les dernières années de sa vie avec une pieuse ostentation à Mrs les abbé Guilgot, qui allaient souvent …à St Claude rendre visite à la famille de leur mère,originaire de cette ville. Le vénérable prélat leur protestait qu’il ne changerait pas ce trésor contre tout ceux de la terre,et par son attendrissement prouvait sa sincérité.

Il écrivait encore en 1840 au neveu de son ancien ami : « Il ne s’est passé aucun jour de ma vie que je n’aie adressé ma prière au glorieux martyr. Nous avons un puissant protecteur au ciel. C’est cette pensée et l’espoir de le retrouver bientôt qui peuvent seuls me consoler d’en être séparé sur la terre ».

(1)Sur la fin du schisme en 1800, ce malheureux devint évêque intrus du département de la Meurthe.

 RENTRE EN France, ARRESTATION, CONDAMNATION A MORT.

L’abbé Gilbert revint à Domjulien et se tint caché dans la maison paternelle. mais il sortait de temps en temps pour faire des excursions à Rozerotte, à Valleroy aux Saules et à Derbamont,chez des parents de sa mère,Catherine Moinot. A Domjulien, il offrait journellement le St Sacrifice de la messe,un peu après minuit,dans une chambre dérobée,en présence de quelques personnes sûres et pieuses du voisinage,c’était sa soeur aimée,agée de 15 ans qui répondait à l’autel. Sa messe dite,il s’échappait de cette nouvelle catacombe pour aller au fond d’une vaste forêt passer la journée quand le temps le permettait et jouir parmi les bêtes sauvages d’une sécurité que les hommes lui refusaient.

Un soir en revenant du bois ,le proscrit fut rencontré et reconnu par un sans-culotte nommé Mavillot (1) qui était à la recherche de bestiaux égarés. On était à l’automne 1793 ,la Révolution arrivait à la plus haute période de sa fureur. Le bruit de cette découverte couru comme une trainée de poudre dans le village et aux environs. Pour échapper à une arrestation inévitable et épargner le même sort à sa famille, il devait fuir au plus vite. Il prit la direction de Vézelise. Il avait autrefois séjourné longtemps dans cette contrée où il avait un oncle curé, pendant ses vacances de séminariste et de professeur. Il y avait beaucoup travaillé contre le schisme pendant son expulsion du séminaire. Il espérait y rencontrer des connaissances et des amis qui lui offriraient du moins provisoirement,un asile contre la persécution. Mais il n’y avait plus alors,dans toute la France,un lieu assuré pour un ancien ministre fidèle à Jésus-Christ.

En fuyant plus loin,il laissa tomber entre Vézelise et Tantonville, son portefeuille en soie damassée écarlate contenant entre autre pièces,ses lettres d’ordination. Cette relique précieuse fut ramassée dans un état parfait de conservation et remise plus tard à mr le curé de Diarville, et enfin remise à sa famille. Il fut d’abord rendu,non pas à ses frères et soeurs,mais aux demoiselles Gilbert ses cousines de Domjulien qui le donnèrent ensuite à leur neveu, Mr Gilbert ancien curé d’Oélleville ,mort en retraite l’an dernier (1880) dans cette paroisse.

Le fugitif vint à Nancy demander asile pour quelques jours, quelques heures peut-être,à son vieil oncle, ancien curé de Parey St Cézaire. Ce vénérable octogénaire par suite de rétraction avait été chassé d’une paroisse qu’il occupait depuis plus de cinquante ans et qu’il avait administré avec beaucoup de sagesse et d’édification dit le monument élevé à sa mémoire. Non content de son abjuration solennelle,quand il fallut s’arracher à l’affectation de ses enfants spirituels,il les rassembla une dernière fois et du haut d’une estrade il leur demanda de nouveau pardon du scandale qu’il leur avait donné et il le fit,dit la tradition,en des termes qui arrachèrent des sanglots à toute l’assemblée. Pour éviter la réclusion ordonnée contre les prêtres de son âge,il se tenait caché,avec autant de soin que s’il eut été sujet à la déportation.

Que se passa t il dans cette entrevue des deux athlètes de la foi:de l’oncle noble vétéran arrivé au terme de sa course mortelle,qui s’était relevé plus ferme et plus courageux après une surprise et une chute momentanée,et du neveu marchant au combat et à la mort avec une résolution qui défiait toute faiblesse ? Quel furent les adieux au moment d’une séparation qui ne devait plus avoir de terme que dans l’éternité ?

En sortant de Nancy,il prit la direction de Metz avec le dessein de repasser la frontière (Mr Mougeot croyait qu’il était allé se cacher à Toul pendant quelque temps dans la famille de l’Abbé Sincère,mais cette seconde et courte résidence à Toul a eu lieu plus probablement au retour de la 1re émigration ). Il fut accueilli à Metz dans une noble famille de sa connaissance. Mais, bientôt sa qualité de prêtre proscrit fut trahie par une servante et,il se hâta de fuir vers la frontière Belge,du coté de Thionville, Longwy. C’est là qu’il fut saisi au passage d’une rivière dont nous ne connaissons pas le nom,puis ramené à Longuyon et enfin à Metz, pour y recevoir la couronne du martyr.

(1)Dans les années 1970-75, les anciens parlent encore de cette rencontre, sans avoir souvenance des noms, des héros de ces faits

 ACTE D’ACCUSATION

Vu par le tribunal criminel du département de la Moselle, sans recours ni demande en cassation,en conformité des décrets de la Convention Nationale, notamment celui des 29 et30 Vendémiaire, l’acte d’accusation en forme de plainte dressée contre : Pierre GILBERT, prêtre déporté, ci-devant professeur de Philosophie au séminaire de Toul,aussi y résidant, ci-devant natif de Domjulien, district de Mirecourt, département des Vosges, par l’accusateur public près le tribunal,dont la teneur suit :

L’accusateur Public expose qu’il lui a été adressée par le juge de paix du canton de Longuyon une procédure relative à l’arrestation de Pierre GILBERT, ci-devant ministre du culte catholique et professeur de Philosophie au Collège de TOUL.

Par l’examen qu’il vient de faire des pièces, notamment de ses interrogatoires prêtés tant devant le comité de surveillance de Longuyon que devant les autres autorités constituées, il résulte que ce prêtre rebelle après s’être refusé à la prestation du serment exigé des fonctionnaires publics ecclésiastiques s’est déporté en exécution de la loi qui prononce leur expulsion du territoire de la République ; que malgré les peines sévères décrétées contre ceux qui rompraient leur bannissement, Pierre GILBERT est rentré en France dans l’intension criminelle de porter le trouble et le désordre parmi les ‘’citoiens’’ de la frontière ; que pour parvenir plus facilement à ces tentatives contre-révolutionnaires, il s’est, de son aveu, fabriqué de faux certificats , en faveur desquels il espérait échapper à la surveillance des autorités nationales ; mais l’activité des préposés à la conservation des frontières a déjoué ses manœuvres ; il a été saisi et arrêté, malgré sa fuite à travers les eaux.

Pierre Gilbert a prêté entre les mains d’un juge du tribunal un interrogatoire . Il est du devoir du remontant de provoquer contre ce traité la sévérité de la Justice.

« A cet effet, il a dressé contre le dit ‘’Pierre Gilbert’’ la présente accusation pour être contrevenu de sa part à la ‘’loy’’ et pour être jugé dans les formes et suivant la peine déterminée par les décrets de la Convention Nationale, notamment par celui des 29 et 30 Vendémiaire derniers. En conséquence l’accusateur public requiert qu’il soit donné acte de l’accusation qu’il porte contre le dit ‘Pierre Gilbert’’, ordonne qu’il sera pris et appréhendé au corps et écroué comme prêtre déporté ; sur les registres de la Maison de Justice prendra jour et heure à l’effet de présenter à l’examen et déclaration du tribunal l’acte d’accusation ; ordonne en outre l’ordonnance à intervenir sera notifié à qui de droit.

Fait au cabinet de l’accusateur public le 12 pluviôse l’an deux (31 janvier 1794) de la République une et indivisible.

A.LMAYER

« (VU) l’ordonnance de prise de corps contre le dit Pierre Gilbert , par le tribunal le 13 du présent mois de pluviôse (1° février) ; le procès verbal de l’écrou du dit Gilbert sur le registre du gardien de la maison de justice du dit Département de la Moselle, contenant la notification a lui faite de l’acte d’accusation ; et après avoir fait comparaître le dit Pierre Gilbert , à la barre du tribunal , et que lecture a été faite de l’acte d’accusation, de l’acte de déportation du dit Gilbert , et qu’il a été entendu dans ses moyens de défense, le tribunal a rendu le jugement suivant :

Le tribunal , après avoir ouie l’accusateur public, sur l’application de la ‘’loy’’ a ordonné ce qu’il en serait délibéré sur le champ, en la chambre du Conseil, et après qu’il en a été délibéré, et être rentré dans la chambre de l’auditoire, et avoir opiné à haute voix , déclare Pierre Gilbert convaincu d’avoir été sujet à la déportation, de s’être déporté ; au contenu de sa déclaration retenue dans l’arrêté du District de l’administration de Toul , le 15 septembre 1792 par lui souscrit , de s’être rendu de son propre aveu, consigné dans son interrogatoire, par lui aussi signé, à Bastogne, pays de l’Empire, et ensuite d’être rentré en France, contrairement aux dispositions des décrets

Condamne en conséquence le dit :

 « PIERRE GILBERT A LA PEINE DE MORT »

« Ordonne qu’il sera livré dans les 24 heures à l’exécuteur des jugements criminels du département, pour subir son jugement en conformité de l’article 5 du décret de la Convention Nationale du 30 vendémiaire dernier, dont lecture a été faite et encore en conformité de l’article 5 de la loy du 23 avril aussi dernier (vieux style) , dont lecture a été faite .

Déclare acquis et confirmé au profit de la République les bien du dit GILBERT en conformité de l’article 16 de la dite loy du 30 vendémiaire (suit le dispositif de cette loy).

Ordonne que le présent jugement sera mis à exécution à la diligence de l’accusateur public, sur la Place de l’Egalité, dans cette ville.

« fait à Metz , le 14 Pluviôse de l’an deux de la République une et indivisible (2 février 1794) en l’audition du tribunal où étaient présents les citoiens : Delattre, Président, Prévot, Habranit et Jean Pierre, juges du tribunal, lesquels ont signés »

 La MORT et le TRIOMPHE

Des contemporains de l’abbé de l’abbé Gilbert et Mr Mougeot en particulier, lui ont attribué un trait d’héroïsme , qui s’est assez souvent reproduit devant les tribunaux présidés par des Pilate de cette époque, savoir qu’on lui avait offert en secret son acquittement, s’il voulait seulement affirmer qu’il ne connaissait pas la dernière loi portée contre les immigrés rentrés ; il refusa de sauver sa vie par un mensonge et il n’avait pas 30 ans ! Il avait compris que nulles vies, si longues et brillantes et si heureuses qu’on puisse les supposer sur la terre seraient encore un faible prix pour la couronne de martyr qu’il allait ceindre aux yeux de l’Eglise militante et de l’Eglise triomphante.

Dieu qui avait envoyé un ange fortifier son Fils au jardin des Oliviers, ménagea à son bon et fidèle serviteur une suprême consolation au moment de monter à l’échafaud.

Sur le parcours du convoi fatal, parmi les spectateurs attirés aux fenêtres des maisons, les uns par curiosité, les autres par compassion religieuse, son œil put rencontrer un regard plus ému que les autres, et voir une main sacerdotale et amie se lever discrètement pour faire descendre du ciel sur sa tête, une dernière absolution et la grâce de consommer saintement son sacrifice.

C’était la main de l’abbé Conel (1) du Diocèse de Metz, qui était sorti de sa retraite et par une marche forcée de la nuit, affrontant lui-même la mort, était accouru donner ce secours suprême à son ami.

Parmi les soldats qui composaient le piquet d’exécution, il s’en trouvait un de Domjulien.

En 1825, il racontait, tout ému et en pleurant, à son neveu, qu’il était tombé en défaillance, lorsqu’il avait reconnu dans le condamné, son saint et bien-aimé compatriote et que celui-ci du haut de la plate forme de la guillotine, avait renouvelé sa profession de foi d’une voix vigoureuse qui avait attendri la foule et fait crier : « Grâce ! » de divers cotés .

Le bourreau se sentant gagner lui-même par l’émotion générale se hâta d’y couper court en achevant son œuvre, mais sa main tremblait dans son trouble et il manqua 2 fois le patient. Ce ne fut qu’à la 3° que la tête tomba sous le fatal couteau.

En revenant de cette Horrible corvée,les soldats frémissaient d’indignation, de se voir contraints de prêter main forte au bourreau pour verser le sang le plus noble et le plus pur de la France.

 EPILOGUE

Un oubli inconcevable, ajoute Mr Boyé avait plané jusqu’à ce jour sur la mémoire de ce jeune héros chrétien.

C’est à peine, si j’ai trouvé 2 fois son nom dans les nombreux martyrologues de la Révolution qui me sont tombés sous la main. La 1°fois qu’il me fut donné de le lire, ce fut dans une brochure publiée en 1840 par la ‘’Gazette des villes et des campagnes’’ . C’est une simple nomenclature extraite du martyrologue de l’abbé Guillon et qui ne contient à peu près que des noms et dess dates .

Dans une ’’Histoire de l’Evéché de Toul’’ récemment publié par un prêtre originaire de Toul, on trouve sur l’abbé Gilbert quelques lignes qui sont presque autant d’inexactitudes.

Dans la liste des martyrs du Diocèse publiée par la ‘’Semaine religieuse de St Dié’’ en 1848, le nom de l’abbé Gilbert ne paraît même pas.

La simple tradition disait bien qu’il avait souffert la mort à Metz ; mais elle ne précisait pas la date.

En 1864 je me suis résolu a y aller faire une enquête décisive et à ne revenir qu’après avoir été à toutes les sources . J’allai directement à l’évéché, d’où l’on m’adressa à Mr le Supérieur du grand séminaire, enfant de Metz , âgé d’une soixantaine d’années ,qui fut surpris de l’objet de mes recherches et me dit ne connaître que trois prêtres , mis à mort pendant la Révolution : Mr Nicolas, Curé de St Baudry ; Mr l’abbé de Filque mort, massacré par la population et un 3° aussi du diocèse.

Après 3 jours de recherches vaines à la bibliothèque, à la mairie, à la préfecture, je songeai enfin au tribunal ? Là on me montra , au registre-minute des arrêts du tribunal criminel, celui de Pierre Gilbert et on m’en délivra une copie.

(1)Il y avait 2 frères Conel, prêtres ; ils avaient connu l’abbé Gilbert chez leur oncle, Mr Michel, dit ’’ le Prieur’’ ,Curé d’Auzainvillers, où sa mémoire est encore vive .

J’avais aussi interrogé des vieillards originaires de Metz. Un seul, ancien maître de pension, se souvenait d’avoir vu exécuter un jeune prêtre étranger au pays. Ce bon vieillard voulut me servir la messe le lendemain à l’église St Vincent, paroisse sur laquelle est située la place site alors ‘’de l’Egalité’’.

C’est donc un devoir de justice réparatrice de faire sortir du silence du tombeau le nom de nos moderne martyrs. Nous leur devons bien ce tribut, et nous avons besoin de leur exemple.

L’abbé Gilbert comme l’illustre poète, son homonyme et son compatriote, est mort à l’âge de 29 ans, jeune et brillante fleur fauché avant le midi de sa vie. Sa tombe, je l’ai cherché en vain pour y déposer une ardente prière. La révolution en a effacé jusqu’au moindre vestige,

Le digne Monsieur Boyé , curé actuel de Boulaincourt, auteur de cette narration est le neveu de l’abbé Gilbert. Son cousin germain fut curé de Removille, mort en 1847 ; son cousin sous germain originaire de Vittel fut son successeur à Removille où il mourut en 1875.

Le cousin germain du précédent est mort l’an dernier dans son ancienne paroisse d’Oelleville où il venait de prendre sa retraite.

Pierre Gilbert eut également un 4° cousin prêtre :

 L’abbé Jean Baptiste MOINOT de Rozerotte

Après avoir porté l’écharpe municipale pendant des années et avoir mérité de ses administrés le surnom de ‘’Sage et Pacificateur’’, arrivé à l’âge de 30ans, il se rendit au collège de Charmes pour y commencer ses études de latin. Au séminaire de Nancy, ce vénérable étudiant était estimé de ses condisciples.

Devenu curé d’Ourches près de Vaucouleur , il y mourut en odeur de sainteté après un trop court ministère en 1822.

Chaque année,quand son ferme lui arrivait : ses 18 paires ( 18 sacs de blé et 18 sacs d’avoine) ce revenu patrimonial était immédiatement distribué aux pauvres de sa paroisse.

Pour lui, il se nourrissait de pain d’orge, couchait sur la dure, menait la vie d’un trappiste véritable. Il périt victime de son devoir.

En traversant, vers l’époque de la St Martin, un bras de la Meuse, sur une passerelle pour aller célébrer la messe à St Germain, annexe d’Ourches, il glissa dans l’eau et, afin de ne pas priver ses paroissiens du Saint Sacrifice, il ne voulut pas retourner chez lui pour changer de vêtements, fit son office tout mouillé et contracta une fluxion de poitrine qui mit son corps au tombeau, mais envoya son âme tout droit, selon le sentiment universelle, au paradis. La mémoire est restée toute vivante et en grande vénération dans sa paroisse.

Chaque fois qu’un de ses parents va s’agenouiller sur sa tombe, tout le village se réunit pour lui faire une ovation et chacun se dispute la faveur de lui offrir l’hospitalité.

L’abbé Monot n’était pas indigne de paraître au ciel à coté de son frère de sang et de sacerdoce, l’abbé Pierre Gilbert.

 Annexes :

Histoire des diocèse de Toul, Nancy, St Dié

2III à la page 52 (note4)

A la page 52 :

Pierre Gilbert né à Domjulien en 1765, fit ses études chez les Récollets de Bulgnéville, puis à l’Université de Nancy où il attira l’attention de ses maîtres : « Si l’abbé Pierre Gilbert n’était pas mort, ma place ne serait pas ici » disait plus tard Mgr Jacquemin, le 2° évêque de St Dié.

Ordonné prêtre en 1788, il fut nommé professeur de philosophie au séminaire de Toul, refusa le serment, ramena un bon nombre de prêtre jureur et fut guillotiné à Metz le 2/2/1794.

A la page 158

Pierre Gilbert de Domjulien, ancien professeur au séminaire de Toul, infatigable apôtre qui avait ramené du schisme bon nombre de ses confrères avait erré longtemps dans le pays déjouant toutes les poursuites. Mais fatigué de cette vie d’alertes, il résolut au mois d’août 1793 de chercher du repos en Belgique. Il traversait à la nage la rivière qui formait la frontière, quand il fut saisi par 2 douaniers, conduit à Longuyon, puis à Metz et après plus de 5 mois de détention, guillotiné dans cette ville le 14 pluviôse An II ( 2 février 1794).

Récit repris sur le manuscrit recopié à Domjulien par Marie Gury, le 7/05/1974 d’après les N° 20-21-22 du 20 et 27 mai et 3 juin 1881 de la semaine religieuse de St Dié.

JP Gury , Neufchateau le 12/04/2005


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